Gaëlle Andrée Revial nous partage son point de vue sur les arts martiaux. Elle mettra en parallèle les raisons qui l’ont poussées, en tant que femme, à se mettre à un sport de combat (entre autres choses, la volonté de ne plus avoir peur) et la peur qu’inspire à beaucoup d’entre nous la reprise dans des conditions sanitaires un peu précaires.
La Peur
Cette fois on y est.
Les shorts et la crème solaire sont rangés depuis longtemps, les enfants à l’école, et comme beaucoup d’entre vous, j’ai repris le chemin du boulot. Masques, distanciation physique, salut avec les coudes… On apprend à s’y faire, faute de mieux.
La rentrée, pour moi, c’est traditionnellement le moment des bonnes résolutions. Il y a cinq années de cela, après plusieurs expériences d’art martial en demi-teinte, j’ai trouvé celui qui me correspond. Ma résolution d’alors, c’était de tenir enfin une pratique sportive régulière, de trouver un espace pour m’exprimer, mais surtout de cesser d’avoir peur. Parce que oui, je suis une fille dans une grande ville. Une fille qui veut continuer à rentrer tard le soir, à courir tôt le matin, à prendre les transports en commun, à se balader en jupe. Une fille qui veut pouvoir compter sur elle-même en cas de problème, voire en aider d’autres.
Le combat
Pendant cinq ans, il y a eu des hauts et des bas. L’angoisse du premier cours dans un sport de combat, majoritairement pratiqué par des hommes. La satisfaction d’avoir osé. Le premier compliment du prof. Le premier vrai coup de poing au visage – ça pique. La résurgence des coups passés, dans d’autres lieux. L’euphorie des premiers combats gagnés et l’assurance qui te vient naturellement hors de la salle, au point qu’étonnamment, dehors, on t’emmerde moins. Les blessures. Le premier grade passé. La satisfaction d’avoir tenu une année, puis une autre. De pouvoir regarder les autres combattants et te dire « j’en suis ».
Septembre 2020, je consulte le protocole sanitaire de rentrée des clubs (https://www.ffkarate.fr/protocole-sanitaire-de-rentree-des-clubs/). Perso, j’ai du mal à vraiment concevoir si nous sommes vraiment en danger ou si ce virus est juste un mauvais moment à passer. Mais je suis tout de même étonnée. Le masque est désormais obligatoire dans les entreprises. Dans plusieurs villes de France, il est même obligatoire dans la rue. Mais dans nos salles, ces charmants endroits si peu ventilés, souvent bien trop petits ; ces salles où souvent, la sueur que tu ramènes au vestiaire n’est pas que la tienne (glups…), il ne l’est pas.
Alors cette rentrée, j’ai l’impression que la peur est revenue. Peur de choper un sale truc, de le ramener à mes proches – qui envisagent avec un enthousiasme restreint la perspective de finir l’année dans une petite boîte en sapin. Et pour quoi, au fond, un sport ? Est-ce vraiment raisonnable ? Je pourrais me contenter d’aller courir, ou travailler devant des vidéos. Je pourrais. Le truc, c’est que je sais pertinemment que rien ne remplacera un vrai combat. L’adversaire à analyser lorsqu’il s’approche. Sa manière de bouger. Chercher la faille, l’ouverture. Gérer la pression lorsque même hors d’haleine, il faut continuer à éviter, à frapper, à bouger. Les coups qui sonnent. Le poids d’un homme adulte sur toi qui cherche à te faire mal. Finir ton combat en sentant que, au moins, tu as progressé.
La gestion de la peur
J’y passe un bon week-end de réflexion et au final, je réalise que si j’ai commencé les arts martiaux pour ne plus avoir peur, j’y ai trouvé bien autre chose. En vrai, la peur ne disparaît jamais vraiment. Lorsque je rentre dans un RER vide, j’ai toujours un petit pincement. Je jette un œil aux alentours. Je fais glisser mon casque pour ne couvrir qu’une seule oreille. La différence, c’est que j’ai appris à gérer cette peur. Et que rien que ça, ça peut me sauver. J’espère que le moment venu, je ne paniquerai pas. Que mon assurance sera mon amie. Que je ne viendrai pas à bout à de dix agresseurs, mais peut-être d’un, de deux, et que peut-être ça suffira pour que je m’en sorte, que je les dissuade, que j’arrive à m’enfuir. Qu’en tout cas j’ai une chance. Les arts martiaux ne suppriment pas la peur ; ils t’apprennent à la gérer. Alors à moi de gérer.
Septembre 2020. Je sais qu’il n’y a pas de bon choix. Certaines amies ont décidé d’arrêter, « au moins pour une année ». D’autres continuent « parce que le risque zéro n’existe pas ». Pour ma part, j’ai tranché : je vais y retourner. Je viendrai en tenue pour éviter au maximum les vestiaires. Je porterai ce putain de masque pendant le cours. J’en changerai lorsqu’il sera humide. Je détournerai la tête en parlant à mon binôme. Je me cramerai les mains au gel à chaque pause. Et si ça craint vraiment, je me mettrai en retrait. Parce qu’au final, en combat ou dans la vie, on n’apprend jamais à supprimer le risque. Juste à le gérer du mieux possible, avec les moyens dont on dispose, ses valeurs, ses priorités.
Bonne rentrée à tous et à toutes.
Prenez soin de vous ; protégez-vous et protégez les autres.
Vraiment, sa me ferait grandement plaisir d’avoir des expériences en art-martial venant des maîtres dans les disciplines confondus.
Tres intéressant.
Je suis un mec et je me suis reconnu dedans
7 ans de krav maga, et la peuur dans la rue ne disparait pas forcement (sauf que on gere, on est attentif, et on est oret a se defendre), peur des coups (heureusement la pkupart des partenaires ne sont pas tous des bourrins) et maintenant peur du virus…
Bon courage a tous ceux qui reprendront les chemins des salles…