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Faisons Connaissance avec Christophe Pinna, Champion du Monde de Karaté

Nous rencontrons Christophe Pinna, un célèbre karatéka français. Cet athlète qui a gagné le titre mondial en 2000 va nous raconter son parcours, ses entraînements et son expérience. Bonne lecture.

Christophe Pinna : Champion du monde de Karaté

Bonjour Christophe comment vas-tu ?

Je vais très bien.

Tu peux te présenter ?

Je m’appelle Christophe Pinna, je suis né le 18 mars 1968 à Nice d’un père corse et d’une mère niçoise et j’ai un frère aîné.

Christophe Pinna

Christophe Pinna

J’ai découvert que tu as commencé le Karaté à l’âge de 5 ans et que tu considérais cet art martial comme une punition, peux-tu nous en dire plus ?

J’ai commencé le Karaté à l’âge de 5 ans et effectivement c’est vrai, c’était une punition parce que j’étais un enfant un peu dissipé et cela me permettait sur les conseils du directeur de l’école, de canaliser mon énergie. Et c’est comme ça que deux fois par semaine en pleurant pratiquement, j’allais au Karaté.

Tu as un palmarès incroyable, combien de titres as-tu obtenus durant ta carrière ?

En terme de titres, je ne sais pas trop. Ce qui m’a surtout intéressé tout au long de ma carrière, c’est de gagner toutes les compétitions qui existent. C’est-à-dire Championnat de France, Coupe de France que j’ai gagné, Championnat d’Europe, Jeux Méditerranéens, Coupe du Monde, Championnat du Monde. Donc à l’époque, j’ai gagné toutes les compétitions qui ont existé dans ma génération du moins, puisqu’il n’y avait pas les Jeux Olympiques. J’ai donc gagné à minima une fois toutes les compétitions qui ont existé. Après j’ai eu la chance de gagner deux fois les Coupes du monde, quatre fois les Championnats du monde et surtout d’avoir le titre de champion du monde toutes catégories.

Pour arriver à un tel niveau, il faut une hygiène de vie irréprochable. Peux-tu nous raconter comment ça se passait au niveau de ton alimentation, du nombre d’heures d’entraînements par semaine, etc ?

Au niveau de l’alimentation, il y avait deux niveaux. Le niveau purement diététique, c’est-à-dire, avoir une alimentation qui soit liée à l’effort demandé, en l’occurrence un sport d’explosivité. Je combattais souvent en moins de 80 kilos, il y avait aussi une gestion calorique de poids pour rester en dessous de 80 kilos. Je faisais 79,8 kilos exactement. Au bout d’un moment quand c’est devenu trop compliqué pour moi, j’ai combattu en toutes catégories.

Au niveau du nombre d’heures d’entraînements par semaine, je m’entraînais à peu près entre 4 et 6 heures par jour. Cela comprend le stretching, les étirements, la préparation physique, l’aspect karaté qui regroupait l’aspect stratégique, technique, les combinaisons, les points forts…

Le 14 octobre 2000, tu deviens champion du monde toutes catégories, peux-tu nous raconter cette fantastique journée ?

Le 14 octobre 2000, c’est mon plus beau et gros souvenir puisque j’avais annoncé que j’arrêtais la compétition à l’issue de ce championnat du monde. J’avais déjà tenté ma chance en 1994 à Kota Kinabalu, en Malaisie où j’ai terminé 3ème puis en 1996 à Sun city, en Afrique du Sud où j’ai terminé 3ème également en toutes catégories et en 1998 à Rio de Janeiro, au Brésil ou j’ai encore terminé 3ème. Donc en fait, j’ai terminé trois fois 3ème en toutes catégories dans ces trois championnats du monde. Et en 2000, j’avais annoncé que c’était mon dernier championnat du monde et je le gagne donc j’arrête sur le titre de champion du monde toutes catégories. Pour moi, c’était le rêve d’être champion du monde toutes catégories et j’ai eu ce titre le dernier jour de ma carrière.

Par la suite, tu as été professeur de sport dans l’émission « Star Academy », était-ce une bonne expérience ?

Oui pour moi ça a été une bonne expérience, c’est pour cette raison que j’y suis resté quatre années. Ce qui m’a plu, c’est de transformer une aventure « sportive » en une vraie aventure humaine. Pour ma part j’ai été un professeur différent des autres, dans le sens où je ne notais pas les élèves donc j’avais la possibilité de me rapprocher d’eux et moi j’ai vécu ça comme une belle expérience auprès des jeunes. J’ai fait mon travail du mieux que je pouvais pour essayer de les aider à être le mieux possible pour la prime du vendredi soir. De plus, caméra ou pas caméra, j’ai fait mes cours exactement pareil puisque n’étant pas influencé par les notes, je pouvais vraiment me concentrer sur le travail à faire et les aider au mieux pour être le plus performant possible.

Aujourd’hui on sait que tu rêves de décrocher le titre olympique aux JO de Tokyo, comment se passent les qualifications ?

Pour les qualifications c’est un peu compliqué pour moi. D’abord, ce qu’il faut comprendre, c’est que lorsque j’ai entendu que le Karaté allait être aux Jeux Olympiques, j’étais tellement éloigné du Karaté ces dernières années que je n’ai absolument pas pensé à moi, j’ai juste pensé aux jeunes qui avaient enfin la chance de faire un sport olympique. J’en avais souffert étant jeune, de ne pas être champion olympique. Donc mes premières pensées ont été pour eux. Par la suite après mes vacances, j’ai eu l’impression que quelque chose me gênait, j’ai ainsi repris l’entraînement sans rien dire à personne et je me suis dit, pourquoi ne pas tenter ma chance. Au départ, ce n’est pas un défi que je me suis lancé, c’est un défi « malgré moi ».

Concernant les qualifications, j’ai passé 14 mois où j’ai beaucoup été blessé. Aujourd’hui ça va beaucoup mieux, je progresse à pas de géant contrairement à l’année dernière ou c’était à pas de fourmi. Pour les qualifications, je me bats sur les deux tableaux. À la fois sur le ranking mondial pour être présent et en même temps sur les championnats départementaux, de régions et de France pour pouvoir à nouveau rentrer en équipe de France et éventuellement faire les championnats d’Europe et du monde.

Au niveau du physique comment te sens-tu ?

Aujourd’hui ça va bien, je me prépare correctement. Ça fait un mois et demi que je ne souffre plus de grosses blessures donc je peux avancer.

Tu peux nous raconter comment se passe ta préparation physique en vue des JO ?

Ma préparation physique est généralisée, je fais beaucoup de spécifiques Karaté. Malheureusement, je dois faire beaucoup d’heures en technique puisque le Karaté a énormément évolué ces dernières années. Du coup, je dois apprendre de nouvelles techniques, de nouveaux rythmes et ainsi de suite. Donc je ne fais pas la préparation physique que j’aimerais faire puisque je ne peux pas perdre trop de temps et d’énergie. Tout est concentré sur le Karaté, c’est un choix. Le problème c’est que je me bats contre mon corps tous les jours, mais aussi contre le temps, car les JO arrivent vite et je n’ai pas le temps de repartir sur des bases, de faire une bonne préparation physique. Je fais donc ma préparation physique en même temps que mon spécifique Karaté.

As-tu peur de la concurrence qui est plus jeune et qui pratique un Karaté « différent » ?

Non pas du tout. Je n’ai pas à avoir peur de la concurrence. La concurrence est là, c’est moi qui reviens à la compétition, j’ai fait un choix. En ce qui me concerne, j’ai déjà eu une première carrière, quoiqu’il arrive à l’issue de cette expérience j’en sortirais grandi. Je ne serais ni dans la déception ni dans la frustration, puisque j’ai déjà eu les titres qu’il me fallait. Je me suis épanoui à travers mon sport, c’est simplement un retour parce que le Karaté est Olympique et que je ne pouvais pas rester les bras croisés.

Qu’en pensent ta famille et tes proches de ton souhait de revenir au plus haut niveau ?

C’est un projet de vie effectivement, pour moi c’est mettre beaucoup de choses entre parenthèses. J’ai arrêté la compétition en 2000, entre temps j’ai préparé ma reconversion et aujourd’hui revenir à la compétition, ce n’est pas un choix qui se fait tout seul. C’est un choix familial. Ma famille accepte ce choix et tout le monde est derrière moi. On a toujours fonctionné en sachant que les choix que l’on fait servent à l’épanouissement de chacun d’entre nous.

Est-ce que tu penses que ton âge peut impressionner tes concurrents et ainsi te donner un avantage ?

Non, mais je pense que mon âge les surprend. Pour pratiquement les trois quarts d’entre eux, j’ai combattu contre leurs pères. Cela aurait pu me donner un avantage si lorsque j’ai annoncé mon retour, ils ne savaient pas exactement ce que j’allais faire et que j’avais surpris tout le monde. Mais ce n’est pas le cas puisque sur mon retour, au début j’avais besoin de reprendre les sensations, donc aujourd’hui ils savent mon niveau. Après bien sûr, il y a toujours une retenue par rapport à mon expérience et à tout moment je peux surprendre mon adversaire.

As-tu reçu des critiques lorsque tu as annoncé ton désir de participer aux JO ?

Des critiques directement envers moi, non. Des critiques dans mon dos, oui, mais principalement par des athlètes français. Dans le monde au contraire, j’ai des signes de respect par tous les compétiteurs. En France certains athlètes et anciens compétiteurs surtout de ma génération disent  » Pourquoi Christophe Pinna revient à la compétition ? « . Je n’ai pas à m’expliquer là dessus. Je reviens à la compétition parce que j’ai un rêve et que moi je vis ma vie. Alors qu’eux, ils sont en train de regarder et critiquer ma vie. Ils feraient mieux de vivre la leur, je pense. Si demain je décide de prendre un voilier et de faire le tour du monde, je ne vois pas en quoi c’est critiquable et en quoi ça regarde qui que ce soit. Je fais donc un retour à la compétition simplement parce que mon sport est devenu sport olympique et que je trouve que c’est important de montrer que ça a de l’importance, surtout pour notre génération où on a énormément souffert que notre sport ne soit pas olympique.

Quel a été ton combat le plus difficile durant ta carrière ?

Je pense que mon combat le plus difficile a été durant le championnat d’Europe par équipe à Paris en 1996. Je me retrouve face à Wayne Otto, un karatéka britannique, qui est redoutable pour moi. Sinon, mon combat le plus difficile a été contre moi durant toute ma carrière. En effet, j’ai gagné une première coupe du monde en 1993 en étant très jeune. Par la suite il a fallu tenir toutes ces années. Entre temps, j’ai été six fois champion d’Europe. Donc, être performant pendant aussi longtemps a été difficile, car entre 1993 et mon dernier titre en 2000, j’ai du me battre contre moi-même.

Aujourd’hui, quels sont tes points forts ? Tes faiblesses ?

Pour le moment j’ai beaucoup de faiblesses. J’ai pas trop de points forts excepté mon expérience. Mais pour pouvoir utiliser mon expérience, il va falloir que je sois au même niveau que les meilleurs. Quand j’en serais là, je pourrais l’utiliser. Aujourd’hui mon expérience ne me sert pas à grand-chose car je suis pris par la vitesse, par des nouvelles techniques. Il faut donc combler tout ça.

As-tu déjà été blessé ?

Oui, j’ai été blessé de nombreuses fois. Au visage, aux bras, aux mains, aux jambes… J’ai donc eu beaucoup de blessures comme tout le monde. J’ai manqué seulement un championnat d’Europe à cause de mes blessures.

Christophe Pinna contre Georgios Tzanos

Christophe Pinna contre Georgios Tzanos

Quel est ton meilleur souvenir en Karaté ? Quel est ton pire souvenir ?

Mon meilleur souvenir, c’est le 14 octobre 2000 à Munich, lorsque je gagne le championnat du monde toutes catégories.

Pour mon pire souvenir, j’ai une mémoire sélective, car je n’ai pas de souvenirs négatifs. Donc je ne sais pas, joker !

Qui est ton idole dans les arts martiaux ou les sports de combat ? Pourquoi ?

Je n’ai pas vraiment d’idole. J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour beaucoup de pratiquants. Pour le Karaté, il y a bien sûr Dominique Valera, puis après, Jean Luc Montama, Emmanuel Pinda. Je me suis entraîné avec Emmanuel en équipe de France. Le premier champion du monde des lourds, Jean Luc Montama, j’ai eu son poster dans ma chambre. Et avant lui, Dominique Valera.

T’intéresses-tu au MMA ou à la boxe ?

Oui je m’intéresse à tout, je regarde et je suis curieux. Ça reste des sports de combat donc je regarde l’évolution de ces sports et des techniques. Donc tout m’intéresse.

Étant pratiquant de Full-contact et Kick Boxing, je retrouve de nombreuses techniques issues du Karaté. As-tu déjà pensé à pratiquer une boxe pieds-poings ?

Oui, j’y ai pensé. Malheureusement, j’étais impliqué énormément dans ma discipline, je n’ai pas eu le temps ni l’opportunité d’aller faire de la boxe pieds-poings. C’est certainement un petit regret.

Que dirais-tu à des parents qui hésitent à inscrire leur enfant au Karaté ?

Je trouve que le Karaté est un bel outil éducatif. Sur un plan physique, le Karaté demande de la coordination, de la souplesse, de la vitesse. Il fait travailler aussi bien les membres inférieurs que les membres supérieurs. Sur un plan mental et psychologique, le Karaté est intéressant, car dans un premier temps on fait beaucoup de gestes dans le vide. Ça demande donc de la concentration, nous n’avons pas de balles ou de raquettes dans les mains. Le seul outil à travailler est notre corps. L’esprit reste présent dans chaque technique en travaillant son corps et en recherchant la perfection. Cela fait donc une belle cohésion entre le corps et l’esprit.

Un dernier mot Christophe Pinna ?

Je te remercie pour cette interview. Maintenant il me reste à écrire le deuxième volet de ma carrière sportive. Je pense que ça s’arrêtera le 2 juillet 2018, car je serais hors course ou ça continuera jusqu’en 2020. Mais pour le moment, je ne peux pas le savoir. Merci

Conclusion

Je remercie Christophe Pinna d’avoir répondu à mes questions. Il a eu la gentillesse de répondre à mes questions malgré son planning très chargé, on peut l’imaginer. Cette légende du Karaté est un véritable modèle de détermination, de réussite et de persévérance. Je lui souhaite donc de tout cœur d’arriver à ses objectifs et de réaliser son rêve. Ce grand sportif restera en tout les cas l’un des plus grands champions de sa discipline. Pour les curieux, je vous invite à regarder quelques-uns de ses combats, vous ne serez pas déçu. Bonne chance pour la suite Christophe Pinna.

Je vais terminer par une citation de Arnold Schwarzenegger, « L’esprit est la limite. Tant que l’esprit peut envisager le fait que vous pouvez faire quelque chose, vous pouvez le faire, aussi longtemps que vous croyez vraiment à 100 pour cent. »

5 commentaires

  1. Oui ça fait plaisir d’avoir contact avec le sportif et grand champion qu’est Christophe Pinna. Avoir un interview d’un tel « ambassadeur » est toujours précieux et permet de se rendre compte d’une chose, c’est que la passion pour le sport et pour le combat reste la même peut importe si l’on pratique du karaté, de la boxe, du jiu jitsu ou du MMA ! Merci aussi Brandon pour les questions pertinentes !

  2. super interview , c’est un monstre ! Et son parcoure est impressionnant .

    Vous commencez à mettre la barre haut niveau personnalités interviewés ! Bravo les mecs

    Sinon dominique valera je me rappel aussi de lui , il figurait en couverture d’un karaté bushido sur deux à l’époque , je me rappel de ses photos sur les vieux magazines de mon frere (comment oublier ce torse velu à la chuck norris lol ) .

  3. super interview , c’est un monstre ! Et son parcoure est impressionnant .

    Vous commencez à mettre la barre haut niveau personnalités interviewés ! Bravo les mecs

    Sinon dominique valera je me rappel aussi de lui , il figurait en couverture d’un karaté bushido sur deux à l’époque , je me rappel de ses photos sur les vieux magazines de mon freres (comment oublier ce torse velu à la chuck norris lol ) .

    • On te remercie 🙂
      Son parcours est vraiment formidable, plus que quelques mois à attendre pour savoir s’il participera aux JO, en attendant, on croise les doigts.
      En effet Dominique Valera était très présent dans les magazines, sa carrière est tellement énorme… Il a énormément apporté pour le Karaté en France et il continue à montrer ses talents lors de nombreux stages un peu partout

  4. Très courageux de revenir à la compétition après tant d’années !! Bon chance !!

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