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Faisons Connaissance avec Luc Estienne le Coach de Bombardier

Nous rencontrons Luc Estienne, le coach de Serigne Ousmane Dia plus connu sous le surnom de Bombardier. Luc va nous raconter le parcours et sa rencontre avec celui qui est devenu le roi de la lutte sénégalaise.

Faisons Connaissance avec Luc Estienne

Bonjour, comment vas-tu ?

Bonjour, je vais très bien.

Tu peux te présenter ?

Je m’appelle Luc Estienne, j’ai 58 ans et j’ai fait du sport toute ma vie. J’ai fait de la boxe thaïlandaise, avec un ami thaïlandais qui m’a initié comme dans son pays d’origine. En 2010, j’ai découvert la lutte sénégalaise à M’Bour, c’est à 80 kilomètres de Dakar. C’est le sport numéro 1 au Sénégal. Sur les plages tout le monde s’entraîne à ce sport.

Pourquoi as-tu eu envie de devenir coach ?

Pour le plaisir de transmettre. J’ai toujours aimé partager ce que je savais faire. C’est une grande satisfaction pour moi. Voir des gens réussir me donne de la  motivation.

Depuis quelques années tu t’intéresses à la lutte sénégalaise. Peux-tu nous expliquer ce sport ?

Il existe deux types de lutte sénégalaise. La simple et celle avec frappes. Premièrement, la simple c’est comme dans tous les pays du monde, à partir du moment où il y a les quatre appuis au sol, on arrête. Tandis que dans la lutte avec frappes, on peut frapper avec les poings à mains nues. Depuis un an, ils autorisent le protège-dents, c’est la seule protection autorisée. Il n’y a même pas de coquille. C’est un sport où la représentation de la culture sénégalaise est très importante. Il y a des cérémonies et des rituels mystiques avec des marabouts pour encourager les combattants. On ne croise personne dans les rues lors d’un combat, en fait tout le monde est devant sa télévision. Tout le monde supporte son champion, ça peut être très hystérique. Bombardier ne peut pas circuler seul par exemple.

Comment as-tu rencontré le Bombardier ?

Bombardier avait entendu parler de moi. J’avais discuté avec un ami à lui, j’ai dit que j’étais coach et que j’avais donc de l’expérience en boxe thaïlandaise. Le rendez-vous avec Bombardier a été pris le lendemain. Lorsque j’arrive dans la salle, je vois une cinquantaine de lutteurs de plus de 100 kilos. Ils m’ont demandé ce que je pensais d’un combat. J’ai dit une énorme connerie en disant qu’ils avaient une mauvaise garde alors que c’est la garde typique de ses lutteurs. J’ai commencé par être formateur d’abdominaux pour l’équipe de Bombardier. Je me suis adapté à eux, à leur sport. J’ai donc adapté la boxe pour la lutte sénégalaise.

Bombardier et Luc Estienne

Peux-tu nous raconter son parcours ? Ses titres ?

Bombardier a 20 ans de carrière, il a démarré vers 16 ans, on ne peut pas démarrer la lutte avec frappes avant cet âge. Il était pêcheur jusqu’à ses 17 ans. Le soir, il faisait de la lutte avec ses amis sur la plage. Il était déjà très costaud. Un jour, il se rend à Dakar, la capitale du Sénégal, et il remporte ses trois premiers combats par KO. Un journaliste a dit qu‘il bombardait tout le monde, d’où son surnom de Bombardier. Il a été Roi des Arènes, puis il a reperdu le titre. Pour conquérir le titre, il faut réaffronter le champion. Il faut donc un promoteur, de l’argent… Bombardier a retrouvé son titre en 2016, il est le premier lutteur à avoir récupéré son titre. Il a fait son premier combat en France en 2013 à Bercy en remportant son combat contre Baboye. En 2018, il a combattu en MMA et s’est imposé contre « Rocky Balboa » par KO en une minute.

Sur de nombreuses interviews et photos, on peut voir que vous êtes extrêmement proches. La complicité entre vous deux est-elle venue immédiatement ?

Pas au début. Je lui ai dit dès le départ qu’il n’était pas mon idole pour mettre les choses au clair. J’ai commencé par entraîner beaucoup de ses lutteurs, mais pas lui. Je privilégiais d’abord l’échange avec les lutteurs. Notre amitié a vraiment démarré en 2012 après une défaite controversée. Je lui ai dit qu’il fallait qu’il s’entraîne différemment. Depuis ce moment-là, nous sommes devenus vraiment amis. Il n’y a pas de rapport coach-élève, nous sommes davantage dans une relation d’amitié.

Comment expliques-tu cet engouement pour cette lutte sénégalaise ?

Je suis toujours surpris de l’engouement que suscitent les combattants de lutte sénégalaise. Je pense que c’est parce qu’il s’agit d’un sport ou l’on combat à mains nues et sans aucune protection. Beaucoup de combattants de divers sports et même des non pratiquants connaissent Bombardier. Je suis toujours surpris qu’il soit reconnu dans de nombreuses villes comme Paris, Marseille ou Genève.

Que veut dire «  Roi des Arènes » au Sénégal ?

Il s’agit d’un titre honorifique, c’est celui qui gagne dans les arènes. C’est comme le Champion du monde de boxe par exemple.

Comment se fait-il que l’on considère Bombardier comme un demi-Dieu dans son pays ?

La lutte sénégalaise fait partie de la culture du pays. On peut ainsi apprendre la culture avec la lutte. Les lutteurs, en général, les gens ne s’approchent pas d’eux. Ça va au-delà du physique. Les gens ont peur avant un combat, ils ont peur qu’on les accuse de jeter un sort sur Bombardier. Toute personne qui n’est pas connue du clan fait donc un détour pour ne pas qu’on les accuse de lancer un sort. En ce qui concerne Bombardier, c’est quelqu’un de très positif, il parle à tout le monde. C’est quelqu’un qui a de très bonnes valeurs sur le comportement, le travail et l’école. Il aime partager et donner des conseils. Il ne se prend pas de haut et reste très accessible. Mais le problème, c’est qu’avec la popularité de Bombardier, on doit toujours faire attention pour s’entraîner. On prévoit les entraînements la nuit, caché ou avec une trentaine de lutteurs. Chaque déplacement est très compliqué, il faut s’adapter et tout organiser à l’avance.

Raconte-nous les entraînements de Bombardier ? Quels exercices ? Combien de fois par semaine ?

Il va travailler la musculation en salle et s’entraîne souvent sur la plage pour la lutte le matin tôt et le soir tard. Pour la musculation c’est un entraînement classique, par exemple du développé couché et des squats. Les performances de Bombardier sont assez impressionnantes. En développé couché, il a un maximum à 320 kilos. Il fait des séries à plus de 200 kilos. Alors que pour les squats, il est proche des 400 kilos. Il en fait moins, car ça lui enlève de la mobilité. Pour le combat qu’il a fait en MMA, on avait arrêté la musculation afin qu’il se concentre sur des choses plus utiles sur le MMA. C’est un poids super-lourd, on ne peut pas l’entraîner comme un combattant ordinaire. Il faut alors s’adapter.

Quels sont ses points forts ? Ses faiblesses ?

Son point fort principal, c’est son mental. J’ai très rarement vu un combattant avec un tel mental. Il est un équivalent de Teddy Rinner. Il est au top, il n’a peur de rien, il ne stresse jamais. Par exemple, juste avant de monter sur la surface de combat contre Rocky Balboa, il me dit « Après le combat, on va manger un kebab « .  Il est vraiment totalement détendu. Par exemple, il peut dormir juste avant un combat, je l’ai surpris plusieurs fois en train de dormir quelques minutes avant. Par contre, au moment où l’arbitre siffle, les gens sont toujours étonnés. Bombardier devient un tueur dès le début du combat. Ce changement d’attitude impressionne toujours.  Ses deux autres points forts sont sa puissance évidemment, sa puissance brute est hallucinante. Enfin sa capacité à encaisser est énorme.

Pour ses faiblesses, je dirais qu’en fait l’une de ses forces ( celle de ne pas être stressé ) peut devenir l’une de ses faiblesses. En effet, le fait de ne pas être stressé amène un manque de concentration, il a perdu des combats comme ça. S’il n’est pas dedans dès le début du combat, tout bascule très vite.

Le gabarit du Bombardier est très impressionnant ( 1 mètre 96 pour 160 kilos ), peux tu nous dire de quoi est essentiellement composée son alimentation et son nombre de repas par jour ?

Il mange deux repas principaux par jour. Il est un amateur des bons plats sénégalais, comme le yassa de poulet. En fait, il aime tout ce qui est bon, beaucoup de viande, de poulet, il aime la qualité avant tout. D’ailleurs, il peut sauter un repas si la qualité ne lui va pas. Son repas préféré, c’est les lasagnes.

Des rumeurs disent qu’en août, un affrontement est prévu contre Bob Sapp dans les règles du MMA. Comment prépares-tu ce combat à venir contre ce spécialiste du kickboxing et MMA?

Aujourd’hui rien n’est prévu, mais on sait que vers septembre, il va combattre dans les règles du MMA. Les promoteurs veulent organiser un combat contre un combattant de MMA très lourd. Ce sera peut-être Bob Sapp, on ne sait pas encore. On verra donc comment ça se passe pour la suite.

Ne penses-tu pas que 3 mois de préparation pour un tel combat est trop court ?

Si je te dis que le dernier combat en MMA a été préparé en 15 jours ( rires ) . Bombardier est un super-lourd, quand il est venu chez moi à Fabrègues pour s’entraîner, j’ai vu ce qu’il pouvait faire, comment lever la jambe, etc. J’ai distingué deux points forts pour un combat en MMA. Sa droite et ses coudes. On a testé sa puissance sur des machines, les résultats sont énormes. Ensuite, il est très fort en lutte, on n’a donc pas besoin de s’y attarder. On ne peut pas transformer quelqu’un de son gabarit en peu de temps. Ce n’est pas comme si on parlait de quelqu’un qui fait soixante kilos et qui doit passer du JJB à la boxe. On revient donc à l’essence même du MMA, il va affronter ses adversaires avec son bagage technique en lutte sénégalaise.

En cas de victoire contre ce futur adversaire, est-ce que vous continuerez l’aventure en MMA ?

Bien sûr, le MMA lui plaît énormément.

Quel est le combattant toutes disciplines confondues que tu admires le plus ?

Il s’agit d’un combattant de Muay-thaï, Saenchai. Je viens de la boxe thaï, je me suis donc intéressé à son parcours. Je trouve que son style, son côté  décontracté et son niveau technique sont super. Il a beaucoup apporté pour cet art martial.

Quels sont vos prochains objectifs ?

Notre prochain objectif est d’intégrer l’UFC, on aimerait beaucoup. C’est la plus grosse franchise, c’est donc notre but. Lors d’une discussion avec Myriam Lamare, la boxeuse plusieurs fois championne du monde, elle me disait que c’était extrêmement rare de trouver des combattants avec le gabarit de Bombardier. Cela pourrait donc être intéressant.

Un dernier mot ?

Merci beaucoup pour cette interview. Cela a été un plaisir de répondre à tes questions.

Conclusion

Je remercie Luc Estienne d’avoir répondu à mes questions. Lors de notre entretien téléphonique, il a été très accessible et a pris le temps de répondre à toutes mes questions. Ce passionné de sports de combat consacre sa vie à ce domaine et a ainsi réussi à amener son champion au plus haut niveau. Aujourd’hui, de nouvelles perspectives s’ouvrent à eux avec une multiplication des combats à l’international et pourquoi pas leur intégration dans la plus prestigieuse organisation d’arts martiaux. Je souhaite donc à Luc et Bombardier une suite de carrière pleine de réussite et une future entrée en UFC fracassante.

Pour conclure, je vais terminer par une citation de Zig Ziglar, un célèbre auteur américain « Espère-le meilleur. Prépare-toi au pire. Capitalise sur ce qui vient. »

2 commentaires

  1. Une machine de guerre ce Bombardier !! Toujours aussi intéressant ces interviews !! Bravo

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